"Mufle" de Eric Neuhoff
Editions Albin Michel, 120 pages, 2012
Ce sont les dernières secondes de ma vie. Mon esprit vient d'être expédié en unité de soins intensifs. Plus rien n'existe. Je suis là, dans la salle de bains, après le dîner, son portable à la main. Je vois toutes ces années exploser en vol. Sur l'écran de son portable, s'imprime ce texto: "Thank you my darling for the most wonderful week-end of my life". Je n'ai pas pu lire la suite. Je suis sorti de la salle de bains.
Charlotte avait oublié son téléphone à côté du lavabo. Elle rentrait de Londres, où elle était allée sous prétexte de vendre des bijoux anciens chez Sotheby's.
Par ce SMS, l'homme vient de découvrir que sa maîtresse le trompe. Il s'emporte, part de chez elle en claquant la porte. Charlotte accourt chez lui en larmes, implore. Tout s'apaise le temps d'une nuit après quelques coupes de champagne....quand même! On ne va perdre les bonnes habitudes!
-Tu sais pourquoi je t'en veux? lui dit-il. Parce que tu m'as donné envie d'aller voir ailleurs.
-ça non! Toi, ça serait par vengeance alors que moi j'ai fait ça par mégarde.
Charlotte sait y faire avec les bons gros chiens qui ont passé la cinquantaine, trop sensiblisés par deux divorces, flanqués de grands enfants, et friants d'une jolie femme à leurs côtés! Chacun a son appartement mais "on est ensemble" ! L'homme a perdu la face en quelques secondes. Que vont dire les gens s'il arrive seul à un dîner? Mon Dieu! ! Ridiculisé, il se perd dans cette désunion...mais jusqu'où?
Il fut faible. Il fut lâche. Il fit semblant de pardonner. C'était une blague. Il avait encore envie de la baiser, oui. Charlotte était sa prison. Il ne parvenait pas à s'en évader. Elle ne pourrait pas le tromper tant qu'il la tiendrait contre lui. A l'aide de caresses et de déclarations, elle essayait tant bien que mal de sauvegarder leur union, comme on regonfle un oreiller aplati. Il sentit fondre toutes ses résolutions.
Leur histoire devient absurde et malsaine. Il découvre que Charlotte n'a pas un mais plusieurs amants. Un dans chaque port! Elle ne sait pas qu'il sait. Elle plonge dans le mensonge et lui fait semblant.
Il faut aimer se torturer mais n'est-ce pas ce qui se passe quand on aime par dessus tout et qu'on se sent trahi? On dit bien que l'amour rend aveugle...et avec ce genre de femme, séduisante et mystérieuse , l'homme devient un grand nigaud qui n'a plus que sa plume comme arme: passion, colère, regrets, lucidité, amour et haine, confusion et enfin espoir se font écho.
Texte court, phrases courtes, écrit gros, ce roman se lit en une petite soirée. C'est le premier que je lis de cet auteur.