"Les autos tamponneuses" de Stéphane Hoffmann
Mariés par hasard nous le sommes restés par égoisme et comme par indolence. Pourquoi chercher chez autrui un bonheur qu'on ne trouve qu'en soi, dans une action qui corresponde à sa nature? Depuis des années, Hélène reste alanguie dans notre maison du Golfe du Morbihan à jouer du piano, lire et prendre des airs. Pendant ce temps, dans mes bureaux de la Défense je me voue, avec une passion discrète et tenace, aux affaires héritées de son père.
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Nous nous entendons sur l'essentiel. le mariage a toujours semblè être un tour en autos tamponneuses: c'est inconfortable, on prend des coups, on en donne, on tourne en rond, on ne va nulle part mais, au moins, on n'est pas seul.
Editions Albin Michel, 232 pages, 2011
Quarante ans de mariage, trois enfants (" non deux, depuis que nous avons eu la satisfaction d'en perdre un sans l'avoir fait exprès" ), un regard blasé sur la vie en général.."Un jour, j'en ai ma claque" .Pierre Bailly est un homme qui ne se retrouve plus dans cette société. Il est arrivé à saturation. Depuis un an, il a décidé de vendre ses affaires et de rejoindre sa femme à Conleau, prés de Vannes.
Deux décisions qui ne sont pas du goût des autres. D'abord, ses conseillers qui voient en son départ, un risque de perte d'argent pour le groupe créé par son beau père - feu Robert " call me Bébert" Maudet, une légende de réussite à la française. Ensuite Hélène , sa femme qui craint de le voir en vieux mari à la maison, les bras ballants, se grattant les couilles devant la télé, traînant en pyjama à réclamer son repas!
-Les hommes qui ne travaillent pas se relâchent, Pierre. Jamais ils ne devraient rentrer à la maison, jamais. Ils doivent mourir à la tâche, au combat, la main sur le métier. C'est leur honneur, leur devoir, leur gloire. Les hommes , on les aime absents....
J'ai lu et relu certains passages tellement pertinents, drôles, cyniques, savoureux. C'est parfois féroce, parfois émouvant, un rien déconcertant ( surtout à la fin). Pierre et Hélène forment un couple usé, sans amour, avec une bonne dose d'égoisme et d'aveuglement, meurtri assurément...
Quelques passages...
Mes visites à Baot avaient été régulières, fréquentes et furtives. J'atterrissais le vendredi soir à Meucon, où je laissais une voiture. Dîner, caresses aux chiens et aux enfants, puis seulement aux chiens, puis à personnen sommeil de plomb, journées passées dans mon bureau et, dés le dimanche aprés midi, retour à Paris où je passais le meilleur d'une vie sans vacances ni passe-temps. Jamais je ne pensais à Hélène, jamais je ne l'appelais. Je savais juste qu'elle dépensait beaucoup d'argent en croyant n'avoir besoin de rien...avec elle, la vie semblait impossible mais sans elle, était-elle concevable?...Pour les affaires, nous étions d'excellents partenaires. Pour les affaires seulement. Parce que nous n'avions encore rien tenté d'autre.
-Le marché de Vannes, Bailly, il n'y a rien de mieux. Non, voyez, j'ai voyagé dans le monde entier, vécu dans pas mal d'endroits. Rien ne vaut la Bretzgne et, en Bretagne, rien ne vaut le Golfe du M%orbihan. Nous avons la chance de vivre ici. Ce qui manque, bien sûr, c'est des animations qui permettraient de se faire connaître sur le plan international. Que voulez-vous, ils ne veulent pas bouger! C'est pas demain qu'on fera l'ouverture du Journal de TF1...
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Cette nouvelle mode, chez le bourgeois, de se montrer sur le marché. Ce n'est plus un marché, c'est un club.
Il avait peut-être été, avec Natalie, trop léger, ou trop violent, ou trop rapide, ou trop distrait, se promit de faire des efforts si elle revenait mais ne tenta rien pour la récupérer. ....
-Regarde ce qui se passe autour de nous, ces couples qui se déchirent pour un rien. Absurde tout ça. Comme les gens sont fragiles! Nous allons leur montrer à tous.....à Natalie...Qu'elle ait quitté son mari après avoir tout supporté de lui, je trouve ça parfaitement répugnant. Et stupide. Qu'elle le tue, j'aurais compris. ça aurait eu de l'allure, au moins: un coup de couteau, du poison , ça oui. Mais qu'elle le quitte, c'est minable.
-Encore une de ces sottes qui pensaient pouvoir changer un homme et lui demander de l'amour. De l'amour, à un homme, cette idée! D'abord, l'amour, c'est pas fait pour tout le monde. Et puis, ce que les hommes appellent de l'amour, c'est du plaisir d'abord, du confort ensuite. Se vider les couilles, se remplir le ventre. Il ne leur en faut pas plus. Le reste, tout ce lent murissement, ce qui est profond et enfoui, tout ce qui vivifie, c'est l'affaire des femmes, ça, ils l'ignorent totalement. ça n'existe pas pour eux. D'ailleurs, ils n'ont pas le temps de seulement y penser.