"La faute de goût" de Caroline Lunoir

Publié le par Du soleil sur la page

Editions Actes Sud, Coll. Une endroit où aller, 113 pages, 2011

 

Le début des vacances résonne dans la gar et dans ma tête. J'attends que l'on vienne me chercher, mon sac à mes pieds. Le Préau de l'arrivée brûle sous un soleil impassible.

Autour de moi, août s'épanouit sur les visages et sur les corps. La France, hâlée, avenante, en bras de chemise et jambes nues, se retrouve et s'interpelle. La gare de Lyon bondée et transpirante, quelques heures de train avec la peau saisie par la climatisation, des kilomètres de champs de blé avalés au travers des vitres, une petite gare de pierre claire modèle 1900, deux quais, deux auvents grésillant de lumière, et nous voilà tous déliés de notre vie d'avant les congés, projetés dans l'oisiveté. Dans le hall, les bras se tendent, les rires se congratulent, les grands-parents s'agenouillent, les enfants courent ou hésitent, les valises passent de mains en mains et tous repartent en groupe, dans les exclamations.

C'est le seuil des vacances. Comme d'habitude, je suis déroutée, lasse et ravie.

Une voiture s'arrête devant moi et m'apostrpophe. Ma tante Brigitte surgit, me tend la joue , 'empare de mon sac et démarre dans un courant d'air. N'ous échangeons des nouvelles sans s'écouter. Nous commençons les présences et les absences....

 

 

Mathilde vient passer la semaine du 15 Août dans la grande maison familiale où se côtoie chaque été quatre générations: grands-parents, grands-oncles, grands-tantes, oncles, tantes, cousins, cousines et petits cousin(e)s. Ses soeurs et ses parents ne sont pas présents mais elle, elle est là après quelques années d'absence. Parmi les anciens, les cinq filles du général, dont sa grand-mère Madeleine, propriétaires en indivision, avec leurs maris respectifs, quelques-uns de leurs enfants respectifs et petits enfants. La famille est nombreuse et vit en harmonie. Les sujets sensibles sont laissés de côté.  Mathilde fait partie de la jeune génération qui s'installe dans la vie. Elle est sur le point d'être avocate.  Le temps de quelques jours, elle observe les anciens vivre ensemble dans cette demeure bourgeoise, aux idées bougeoises, à qui il ne reste plus que la piscine pour attirer les enfants . Son grand-père Paul est à l'origine de cette idée. C'est un homme qui a réussi , naturellement généreux et que l'idée de construire une piscine peut paraître, pour les autres, une "main mise" sur le contrôle de la co-propriété. En tout cas, rien ne se dit. 

A l'entrée du parc, une maison de gardiens,  tenue par Rosana et Antonio. Ils sont là depuis vingt ans, depuis l'entrée de Rosana au service du vieux général, homme colérique mais qu'elle a su "gérer"jusqu'à la fin de ses jours, pour soulager ses filles ....Rosana et mes grands-tantes s'accordent ce mépris patiné de longues années de cohabitation froide et d'intérêts réciproques... Entre ce couple et les propriétaires , il y a une barrière à ne pas franchir et la faute de goût est peut-être celle-là, le jour où Paul propose à Rosana d'utiliser la piscine lorsqu'ils sont absents .

Proposer est une chose, dira l'une des soeurs,  mais Rosana aurait dû avoir la décence de refuser l'invitation ! Le pavé est lâché. Rosana a-t-elle entendu? Quoiqu'il en soit, elle se rétracte et l'on sent qu'il ne faut pas mélanger les deux mondes...

 

Pour Mathilde qui est d'une autre génération, avec une autre sensibilité , qui estime beaucoup Rosana mais qui sent les déséquilibres entre leurs deux mondes , elle devra trouver son chemin.

 

Premier livre de Caroline Lunoir sur le clan, la bourgeoisie, la différence de classe et comment trouver sa place dans ce clan , quels sont les valeurs reçues et acceptables. Un petit livre prometteur. A suivre. 

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