"Elizabeth et son jardin allemand" d'Elizabeth von Arnim
Si Eve avait disposé d'une bêche au Paradis, et avait su s'en servir, cette malheureuse affaire de pomme et de serpent n'aurait jamais eu lieu...(p.38)
Editions Bartillat, 175 pages, 2011
Quatrième de couverture
"Elizabeth et son jardin" raconte la passion d'une femme pour son jardin. En un an, l'héroïne s'efforce de créer un environnement unique qui lui sert de refuge, où elle donne libre cours à sa conception du jardin, monde clos et idéal. Là s'exprime la liberté et l'amour qui lui sont refusés par ailleurs. Epouse anglaise d'un comte prussien, mère de trois petites filles, Elizabeth aspire à une vie plus riche en émotions. Ecrit sous la forme d'un journal intime, ce roman restitue le rythme des saisons: l'épanouissement de ce jardin "à soi" se mêle à la vie intime et sociale d'Elizabeth qui affronte son existence avec une pointe d'humour provocateur. Philosophe, la jeune femme se confie et dévoile ainsi ses plus profondes aspirations. Aujourd'hui encore, l'expérience d'Elizabeth von Arnim peut nourrir l'inspiration de tous les amoureux du jardin.
Pour la première fois, ce livre parut anonymement à Londres, en 1898. Son bien-aimé mari, "l'Homme de Colère", lui interdisant d'utiliser son vrai nom, ces livres furent tous signés "par l'auteur d'Elizabeth et son jardin allemand" . Ce n'est qu'en 1973, bien après sa mort survenue en 1941 aux Etats Unis, que son nom fut enfin révélé par Virago Press, l'éditeur des femmes ...même si son prénom n'est pas Elizabeth mais Mary Anette. Le personnage d'Elizabeth était devenue indissociable de son auteur!
...et c'est vrai, il donne envie de prendre la bêche, de feuilleter les catalogues de roses, de voir les parterres s'épanouir sous nos yeux au fil des saisons...et même de déguster des bols de salades vertes avec du pain grillé et une tasse de thé en contemplant la nature!
Au fil des pages, j'ai retenu de nombreux passages succulents sur son amour "so british" pour le jardin, sur le regard décalé qu'elle pose sur les petites gens qui lui prêtent main (car il faut en convenir, Elizabeth est une femme bien-bien aidée!), sur l'Homme de Colère et la place des femmes dans la société, sur les bourgeoises des villes et leur art de penser pour les autres, les amies qui ne savent plus partir, les fâcheux qui ne s'annoncent pas et qui interrompent ses moments merveilleux d'être elle même, libre , avec ses bébés, ses livres et la nature.
En voici quelques-uns qui, j'espère, vous donneront envie de lire ce livre...
...j'allais chaque jour à onze heures manger toute seule des tartines de beurre et de sucre sur une pelouse toute semée de pissenlits et de pâquerettes. Les tartines de sucre ont perdu de leur charme, mais j'aime toujours passionnément les pissenlits et les pâquerettes, et jamais je ne laisserais tondre ma pelouse si je n'étais pas sûre de les voir relever la tête un ou deux jours plus tard, plus sémillants encore....J'éprouvai un tel sentiment de bonheur, d'exaltation et de reconnaissance, que les mots ne sauraient d'écrire....( p.27)
Quel bonheur de vivre en ce jardin avec mes livres, mes bébés, mes oiseaux, et tout le temps d'en jouir!....Je crois que je me sentirais toujours heureuse pourvu que le soleil brillât, et que je serais parfaitement capable de m'amuser jusqu'en Sibérie si le temps était beau (p.38)
...quand, dans la bibliothèque dont les quatre fenêtres laissaient pénétrer la clarté de la lune et les parfums de la nuit, je contemplai mes livres familiers, sûre de pouvoir à mon seul gré lire, rêver ou paresser sans que personne vînt troubler ma solitude, je fus profondément reconnaissante envers le bienveillant destin qui, m'ayant portée jusqu'ici, m'avait pourvue d'un coeur capable de comprendre mon bonheur et sauvée d'une vie semblable à celle dont je venais d'avoir le spectacle....
Ces six semaines m'avaient permis de m'abandonner sans réserve à la paix et à la beauté qui m'entouraient, quand apparut celui qui a le droit d'apparaître comme il Lui* plaît et quand il Lui plaît. Il me reprocha hautement d'avoir négligé de lui écrire, et lorsque je lui répondis que j'avais été trop heureuse pour le faire, se rembrunit aussitôt à l'idée que je pouvais connaître le bonheur en son absence. J'eus beau l'entraîner dans le jardin, lui faire parcourir les nouvelles allées que j'y avais tracées, ...., il s'obstina à me répéter que mes joies avaient été purement égoistes puisque ni mes enfants ni lui n'étaient auprès de moi, et que d'ailleurs les lilas avaient besoin d'être taillés (!)....(p.31)
*l'Homme de Colère
-Personne d'autre que moi n'a décidé de me faire venir ici, et mon mari ne l'a fait que pour m'être agréable.
-L'excellente petite femme, répéta la dame d'importance en me tapotant de nouveau la main d'un air de compréhension, excellente vraiment. Mais ne laissez pas votre mari vous tenir le bride trop courte. Croyez-moi, mieux vaudrait qu'il vous emmenât en ville l'hiver prochain.(p.48)
Ces derniers temps j'ai de nouveau été accablée de visites....Comment prendre plaisir à se trouver dans un jardin où l'on risque à tout moment de croiser des gens avec qui on vient de prendre le petit déjeuner, et que l'on reverra immanquablement au déjeuner et au dîner? Qui plus est, les fâcheux ont un art tout particulier pour identifier mes sièges préférés et s'y installer précisément au moment où je voulais le faire. Ils abandonnent toute la nuit, face contre terre, les livres qu'ils ont empruntés à la bibliothèque- le matin les pauvres sont trempés de rosée...- , et ne manquent pas de me faire comprendre que le jardin aurait été terminé depuis bien longtemps s'ils en avaient eu le soin...(p.61)
-...Quelle folie de parler d'égalité des sexes alors que ce sont les femmes qui font les enfants! me suis-je écriée.
-Rien de plus vrai, ma chère, a répondu l'Homme de Colère avec un bon sourire. Vous avez touché le fond du problème. La Nature, en imposant aux femmes cet agréable devoir, a choisi de leur enlever la force qui leur aurait permis de lutter à égalité avec les hommes. Comment une femme qui perd régulièrement une année pendant la plus belle partie de sa vie, pourrait-elle rivaliser avec un jeune homme pressé? C'est lui qui dispose de la force brute, et il peut clore n'importe quelle discussion rien qu'en levant la main.(p.78)
....il est amoureux de la cuisinière et doit l'épouser après Noël, ce qui l'empêche de participer à mes entreprises avec l'enthousiasme nécessaire. Au lieu de cela il fend du bois du matin au soir afin que les fourneaux de sa belle ne risquent pas de manquer de combustible (!) Je ne comprends pas comment on peut préférer une cuisinière à mes chers soucis, dont les graines dorment encore chez le grainetier et qui jettent dans mon hiver des lueurs dorées (!!!)
Je ne vais pas manquer de découvrir ses autres livres( Mr Skeffington, Avril enchanté, En caravane, The solitary summer)... VF ou VO?
Etes-vous tenté(e)s??