"Eclats d'enfance" de Marie Sizun
Editions Arlée, 208 pages, Rentrée Littéraire Septembre 2009
"Longtemps j'ai rêvé que je revenais là-bas. Dans l'appartement d'enfance. C'était toujours le même rêve. J'arrivais devant l'immeuble de briques rouges. Je poussais la lourde porte de fer forgé noir sur vitre cathédrale. Puis passé le petit hall -carreaux beiges, listel noir-, la deuxième porte vitrée, celle qui remble toujours un peu. Je pénétrais dans le couloir étroit, mal éclairé, au sol indistinct de mosaïque jaune et gris. Je passais la loge obscure du concierge, et, sur la gauche, je trouvais le viel ascenseur grillagé. Il m'attendait. J'aurais dû monter au deuxième étage: chez nous, c'était la porte à gauche. Mais là, chaque fois, je m'arrêtais, je n'entrais pas dans l'ascenseur. Je ne touchais même pas la grille de ferraille en accordéon, dont plus jamais je n'entendrai le bruit de cisaille. Là-haut, dans l'appartement d'autrefois, je savais que je n'irais pas. Que ce n'était pas possible d'y aller."
Dans cet appartement, Marie Sizun y a connu une histoire d'amour entre sa mère et elle ,avant le retour du père , avant la naissance du petit frère qui déjà s'en est allé, des moments de complicité à deux même si la mère était parfois bizarre, puis l'effroi, lorsque ses parents ont vécu un court instant ensemble après la guerre, avec son lot de disputes, de lourds silences et enfin, la solitude, celle d'une famille déchirée par un divorce. Tout se devine déjà dans "Le père de la petite".
De cet endroit, Marie Sizun en parle peu, préférant nous conduire par les rues de son enfance, celles qui sont à l'origine de ses éclats d'enfance. Nous sommes dans le 20ème arrondissement, entre la Porte des Lilas et la Place des Fêtes- si loin pour ses petites jambes, nous tournons autour -et nous éloignons ,au fil des années,-du numéro 10 Villa Gagliardini....
"C'était comme si, au hasard des rues, rue Haxo, rue du Borrégo, rue du Télégraphe, je retrouvais, papillons posés ici et là, prêts à s'envoler, des éclats d'enfance perdue, dispersée, oubliée. De petits morceaux de vie. Comme si je surprenais, épinglé là, puis là, ce qui peut être, autrefois, m'avait échappé; ce qui peut-être, je n'avais pas su, ou pas voulu voir. Comme si quelquechose de mort cherchait à revivre. Comme si le moi de cette enfant-là, l'enfant que j'avais été, revenait et que je le découvrais. Mais je n'étais plus elle, ou plutôt elle n'était plus moi, mais un peu comme mon propre enfant..."
Marie a pris un plan de Paris et s'en est allée à la recherche de ses bouts de vie, entre 4 et 16 ans...j'ai ouvert Googlemap pour avoir des images de ce quartier. Marie est redevenue l'enfant, entourée de la mère, du père et du petit frère. Le "Je " disparait- nous le retrouverons à la fin- nous sommes au cinéma et nous suivons son fil d'Ariane....toujours avec le même plaisir, avec cette retenue qui lui appartient...on sent chez elle cette enfance marquée par l'absence du père, les dimanches tristes , l'isolement qu'on ne comprend pas bien...il semble qu'il n'y ait pas vraiment de famille...la mère est seule avec ses deux enfants et ne semble pas avoir de vie en dehors de ce foyer...
J'ai eu l'occasion de rencontrer Marie Sizun. Elle est à l'image de ses livres, discrète et charmante. Vous pouvez retrouver mes précédentes lectures ...
Le père de la petite
La femme de l'allemand
Mots croisés
L'avis de SYLIRE