"Le malentendu" d'Irène Némirovsky
L'amour qui nait de la peur de la solitude est triste et fort comme la mort...
Editions Denoël, 169 pages, 2010
Ce premier roman d'Irène Némirovsky fut écrit en 1924 alors qu'elle n'avait que 21 ans. Il sera publié en 1926.
Eté 1924. Un jeune homme, Yves Harteloup, la petite trentaine, séjourne à Hendaye, ville frontalière avec l'Espagne, au bord de la Bidassoa. Enfant, Il passa là ses plus belles vacances. Ses parents, grands bourgeois fortunés, "Parisiens de race" , des oisifs, vivaient encore et la Grande Guerre ne l'avait pas ruiné et usé. Depuis il lui fallait travailler pour vivre...Ce garçon qui avait été pendant quatre ans une manière de héros, était lâche devant l'effort quotidien, le travail imposé, la tyrannie mesquine de l'existence.
Yves Harteloup était devenu un homme fatigué, ni ambitieux, ni actif, qui s'ennuyait ferme. Il avait des maîtresses mais ne s'y attardait pas. La femme n'était pour lui qui avait connu la mort de près, qu' un joli et commode objet...une impression de paix, de calme et de sérénité.
C'est à Hendaye qu'il retrouve Jacques Jessaint. Ils avaient été voisins de chambre à l'hôpital pendant la guerre. L'homme est désormais marié et père d'une petite fille. Il a une trés belle situation et abandonne régulièrement sa trés jolie épouse pour ses voyages d'affaires. La jeune femme, elle même issue d'une grande famille, habituée au luxe et aux endroits chics, mène une vie confortable et légère, sans but précis et bien ennyeuse. Elle représente tout ce que Yves a connu et ne possède plus. Mais cet été-là encore, il se refuse à sacrifier le superflu au nécessaire.
Au départ du mari pour Londres, ces deux oisifs vont prendre l'habitude de se croiser, de se voir sur la plage jusqu'au jour où la jeune femme s'absente et réveille les sens du jeune homme. Lui, si froid et si calme, perd le contrôle. Il a besoin de la présence de cette jeune femme qui lui apporte un semblant de paix.
C'est le début d'une idylle tumultueuse entre Denise Jessaint et Yves Harteloup, entre une jeune femme naïve et amoureuse, exigeante, enfant gâtée qui ne saisit pas le malaise de ce jeune homme meurtri , sans le sous et orgueilleux comme un paon...ces deux-là vont finir par ne plus se comprendre et un grand malentendu va s'installer.
Que dire de ce roman? Que j'adore!
C'est le deuxième d'Irène Némirovsky que je découvre et que je dévore. Quel talent! Quelle maturité à un si jeune âge! J'ai passé quelques jours de vacances à Hendaye , l'été dernier. Je retrouvais avec plaisr la Bidassoa, la digue, Fontarrabia illuminée en face...
Cette année-là, il était revenu à Hendaye, poussé par le désir de revoir la plage charmante où il avait vécu enfant, et aussi parce qu'il jugeait hendaye moins fertile que d'autres endroits en tentations de toute sorte, et , cependant, à proximité de Biarritz et de Saint Sébastien, c'est à dire les deux centres les plus aimables de la foire cosmopolite. D'ailleurs, il adorait le flot libre et sauvage et l'éclatante lumière du pays basque. Enfin la vie oisive et aisée des grands hotels lui donnait la même sensation agréable de confort retrouvé que l'on éprouve en se plongeant dans une baignoire pleine d'eau chaude après un long voyage en chemine de fer.
Hendaye aujourd'hui, c'est encore ça sans le Casino et le Grand Hotel, tous deux reconvertis en appartements. Irène Némirovsky a passé là ses dernières vacances avant d'être emportée par la folie meurtrière d'un homme. Comme à la fin de cette histoire, c'était le bonheur et c'est fini....