"L'intranquille" de Gérard Garouste

Publié le par Du soleil sur la page

 

J'avais été instruit par des hommes en soutane, étreint par la violence, l'amour et les préjugés de mon père. Le catéchisme de mon enfance ressurgissait. Je me rendais compte que je l'avais enterré un peu vite en me proclamant athée comme tant d'autres à l'adolescence, il était en moi ce vieux venin, il n'avait rien perdu de sa violence, il fallait le mettre à l'épreuve des textes et de ma maturité d'homme. Il me fallait démonter la grande manipulation religieuse et familiale. C'était ça mon sujet. Et je n'allais plus en changer.( p73) 

 

 

Editions Le Livre de Poche, 160 pages, 2011

 

 

Quand Isabelle, la dame qui s'occupait de lui, m'a appelé en pleurs, je suis parti vers Bourg-La-Reine et la maison de meulière, 15, avenue de Bellevue. Il était dans son lit, la tête posée sur les mains, il semblait dormir tranquillement, en accord avec lui-même. Mais il était mort et j'étais soulagé.

 

Ainsi commence le récit de Gérad Garouste, écrit en collaboration avec Judith Perrignon. Le mort est le père de l'artiste. Il ne l'a pas vu depuis trois ans parce qu'il était "excédé de ses propos"aussi bien sur les juifs que sur Pétain. Garouste avait un rapport difficile avec ce père violent, au regard fuyant. Il aurait aimé parlé avec lui mais l'homme "mentait, s'obstinait, glissait à ses fils qu'il avait travaillé dur pendant la guerre tandis que les juifs étaient au soleil".

 

La famille Garouste, père ét oncle,  avait profité de la guerre pour s'enrichir en spoliant les juifs qui disparaissaient. En 45, l'oncle avait fait de la prison avant de partir pour l'Amérique Latine... Pas facile pour un fils de porter cela sur ses épaules et de se construire.

 

Son père, voleur, psychopathe, menteur, ne reconnaîtra jamais qu'il ait pu se tromper. C'était un homme complexé par son manque de culture qui pouvait être une raison à son comportement. Il ne savait communiquer autrement que par la lâcheté ou la violence. Ce que Gérard Garouste lui reconnaîtra, c'est qu'il lui a offert l'éducation qui lui manquait  en l'envoyant dans les meilleures écoles.

 

A partir de ce secret de famille, l'auteur revient sur son enfance, son adolescence au cours de laquelle il se lie d'amitié avec Patrick Modiano, Jean Michel Ribes (copains de pensionnat) et sa vie d'adulte et d'artiste. Son rapport à la religion catholique, à son père et sa haine des juifs, son oncle et sa tante maternels, Casso et Eleo- sa soupape de petits bonheurs simples-, sa femme exemplaire devant l'adversité et juive, ses dépressions, sa folie, sa peur de lui-même, ses lectures approfondies de la Bible, son intérêt pour la Torah et son étude, son approche littéraire et  artistique avec ses influences et ses oppositions, sa célébrité tardive, son combat de chaque instant pour demeurer "tranquille".

 

Un autoportrait saisissant, captivant, à dévorer...et, particulièrement intéressants, des passages sur l'Art .

 

L'artiste le mieux vendu aujourd'hui Jeff Koons, il a commencé trader à Wall Street (!), il a su digérer Duchamp et l'objet comme oeuvre d'Art, Warhol et l'immersion de l'art dans la société de consommation, son atelier a tout d'une entreprise et il n'a aucun complexe à dire qu'il s'intéresse plus aux prix qu'à ses oeuvres elles-mêmes. Il est gagnant d'une époque faible, soûlée de télévision, d'argent et de performances où le métier d'artiste est prisé. "Chômeurs ! devenez artistes contemporains" écrit donc Ben. "L'art c'est l'espace qui existe entre mes doigts de pieds" clame-t-il. Mais il faudra toujours des gens qui peignent, sculptent, écrivent loin du système, sans détester le passé, la rigueur et les règles de l'art, sans renoncer à la sincérité et à l'émotion que notre époque éteint ou détourne à force de surenchère...(p 123)

 

 

Découvert par Leo Castelli pour cette grande toile de trois mètres de long, voici  "Adhara"C'est mon premier et plus grand succès. Elle annonce tout: l'ordre et le chaos, le Classique et l'Indien, des empâtements, des glacis à l'ancienne. Elle est truffée de références, de mystères, de fausses pistes. Le Classique tient dans la main un polyèdre, figure géométrique à trois dimensions, joyau de la connaissance. L'indien est accroupi, il jette des tableaux en l'air qui semblent partir n'importe où mais dessinent le fragment d'une constellation. Adhara, c'est le nom d'un astre de la constellation du Chien Je suis allé au centre d'astronomie et j'ai demandé un détail du ciel que j'ai ensuite scrupuleusement reproduit. Je quiq le seul à le voir sur la toile, ce n'est pas grave, je voulais que mon tableau, comme un texte, déborde d'intentions. (p113) 

 

J'ai beaucoup aimé et je vous invite à le lire.

 

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F
La couverture m'aurait fait fuir, mais ce que tu en dis est tout autre !
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D
<br /> <br /> Bonjour Florinette!<br /> <br /> <br /> Il faut le lire. Tu ne seras pas déçue!<br /> <br /> <br /> Grâce à ton passage, je retrouve ton blog, je n'arrivais plus à y entrer. A bientôt!<br /> <br /> <br /> <br />
S
Je l'ai acheté il y a peu, j'ai hâte !
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D
<br /> <br /> Je te souhaite une belle rencontre!<br /> <br /> <br /> <br />
I
Un livre poignant que l'on m'avait conseillé et qui m'a permis de découvrir un artiste que je ne connaissais pas et un homme profondément touchant. Un très beau livre.
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D
<br /> <br /> Entièrement d'accord! Je ne le connaissais pas non plus avant qu'il ne sorte ce livre et l'homme m'a plu.<br /> <br /> <br /> <br />
A
Une lecture que je me promets de faire depuis longtemps, j'espère y arriver en 2012 :-)
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D
<br /> <br /> Tu ne seras pas déçue! Bonne lecture!<br /> <br /> <br /> <br />