"Arlington Park" de Rachel Cusk
Editions de l'Olivier, 264 pages, 2007
Arlington Park, une banlieue résidentielle anglaise. Une pluie d'enfer tombe sur ses avenues vides et ses haies bien taillées, sur ses écoles et ses églises, sur ses rues et ses jardins. Elle tombe sur ses places victoriennes en hémicycle avec leurs fenêtres sombres, sur ses rangées de maison à baies vitrées, sur ses propriétés géorgiennes derrière leurs grilles, sur son labyrinthe de rues proprettes où les maisons à un étage étaient peintes de jolies couleurs. Elle tombe joyeusement sur la pelouse noire et désertée du parc, sur ses sentiers et ses buissons nets. Elle cogne, nettoyant les trottoirs, lavant les égoûts à grande eau, tambourinant sur le toit des voitures en stationnement. Toute la nuit, elle tombe...
...et sur la journée qui nous est contée aussi. 24h de la vie de l'Upper Middle Class.
Un quartier agréable, idyllique pour y élever paisiblement des enfants, loin de la vie tumultueuse de la grande ville, le confort de belles maisons spacieuses, une vie protégée pour des femmes en quête de reconnaissance. Arlington Park, entouré de banlieues moins prestigieuses qui faisaient prendre conscience à ses habitants de leur propre condition, plus satisfaisante; de l'intérêt, de la variété et du raffinement supérieurs de leur habitat.
Juliet Randall, professeur de littérature à mi-temps qui vit d'autres vies par le biais de la lecture, qui se lamente de voir son époux Benedict, professeur lui-même, la laisser se débattre avec les enfants et le quotidien...et pourtant, Benedicte essaie de faire des efforts, il va chercher les enfants une fois par semaine, le soir où elle anime le Club de Lectures du collège....!
Amanda Clapp qui s'occupe exclusivement de son fils, de sa maison, femme rigide, perfectionniste, maniaque à l'extrême, sorte de machine à tout calculer, à tout contrôler, bien malheureuse que sa grand-mère dise d'elle qu'elle n'avait pas de coeur, que James, son mari, balance à sa propre soeur " à maison propre, femme ennuyeuse!" Amanda se sent seule. Ce jour-là, elle reçoit quatre de ces femmes d'Arlington à prendre le café, des oisives, des curieuses....
Maisie Carrington, mère de deux petites filles scolarisés qui lui laissent suffisamment de temps libre la journée pour accompagner docilement deux jeunes femmes avec leurs petits dans une galerie marchande où elles vont "s'éclater". Maisie est tout en retrait avant d'exploser comme seule, une femme tourmentée peut exploser...
Solly Kerr-Leigh, enceinte de son quatrième enfant qui décide de louer sa chambre d'amis à une étudiante étrangère afin d'en récolter quelque argent, histoire aussi d'ouvrir les yeux sur le monde extérieur et de vivre d'autres vies par procuration...
Enfin Christine Lanham, le trublion, qui apparait au café chez Amanda, à la Galerie marchande avec Maisie, qui passe sa vie "à l'extérieur" et qui, le soir venu , invite chichement trois couples chez elle dont deux des femmes qu'elle a vues dans la journée...totalement débordée, elle noie son désarroi dans l'alcool...
Triste constat que toutes ces femmes "post-féminisme" qui se livrent l'une à l'autre dans leurs moments de solitudes.
J'ai trouvé ce roman d'une grande lucidité. La psychologie des personnages est bien étudiée, chacune pouvant être un roman à elles seules. Quelques femmes sortent du lot, en se sentant trés bien dans leur vie mais on y retrouve surtout des femmes insatisfaites, prisonnières d'un mariage, sacrifiées . Aucune ne semble avoir de passions particulières qui puissent les sortir de cette monotonie.
J'ai beaucoup aimé, à la fois la plume et le thème et j'essaie de trouver "Les variations Bradshaw"où, cette fois, c'est l'homme qui reste au foyer...