"Sonietchka" de Ludmilla OulitskaÏa

Publié le par Du soleil sur la page


Editeur Gallimard, 1998, 108 pages

Dès son plus jeune âge, à peine sortie de la prime enfance, Sonietchka s'était plongée dans la lecture. Son frère Ephrem, l'humoriste de la famille, ne se lassait pas de répéter la même plaisanterie, déjà démodée au moment de son invention: "A force de lire sans arrêt, Sonietchka a un derrière en forme de chaise, et un nez en forme de poire!" Malheureusement, il n'y avait pas là beaucoup d'exagération: son nez avait vraiment la forme avachie d'une poire, et Sonietchka, une grande bringue à la forte carrure, aux jambes osseuses et au gros dos derrière aplati, n'avait qu'un seul atout: une volumineuse poitrine de femme poussée trop tôt et pour ainsi dire déplacée sur ce corps maigre. Elle rentrait les épaules, se voûtait et portait d'amples tuniques, honteuse de cette opulence incongrue par-devant et de cette navrante platitude par-derrière....

Ainsi est présentée Sonietchkla! Elle n'est donc pas jolie et préfère à la compagnie des autres, la solitude et les livres. On dit qu'elle est" tombée en lecture comme on tombe en syncope, ne reprenant ses esprits qu'à la dernière page du livre".Les personnages imaginaires de ses romans suffisent à  sa vie. Elle les assimile à des êtres vivants,  des proches. C'est donc tout naturellement, qu'elle va devenir bibliothécaire.

Nous sommes dans l'entre-deux guerres, en Russie, sous régime communiste.


Alors qu'elle s'occupe de la salle de lecture de la bibliothèque , elle rencontre Robert Victorovitch, un peintre de grand talent, qui a sillonné le monde et passé cinq ans de sa vie ,dans un camp ."C'était un homme petit, grisonnant, à la maigreur acérée..." Ce soir-là, il recherche des livres français .Elle l'entraîne dans les sous -sols et tous deux partagent ce moment d'émotion devant tout ce savoir étalé. Très vite, il propose le mariage à ce jeune dromadaire, animal patient et tendre...qu'est, à ses yeux,cette jeune femme de vingt-sept ans. Lui en a quarante-sept.

Une fois mariée, Sonietchka se consacre entièrement à sa famille, son mari et bientôt leur petite Tania. La lecture n'est plus évoquée, après une conversation houleuse entre les deux époux, sur la littérature russe qu'il trouvait nue et insupportablement moralisatrice...Sonietchka, "après des larmes amères et de douces étreintes", femme effacée, habituée à vivre dans une certaine acceptation des choses, s'occupe alors de son foyer et se met à cuisiner. Elle trouve le bonheur dans cette vie simple, auprès de son fougueux artiste de mari!

Tania grandit et fait le bonheur de ses parents.... même si elle n'aime pas l'école et préfère la compagnie des garçons, même si elle n'est pas aussi jolie que la jeune Jasia , fille de déportés polonais, rencontrée en cours du soir, qu'elle va amener à la maison et que Sonia va installer chez elle. La vie de la famille va connaître alors bien des bouleversements mais, grâce à la lecture , Sonietchka gardera au fond d'elle-même, comme habitée par une petite musique intérieure, ce bonheur paisible et doux qui traversa toute sa vie...

En une centaine de pages, Ludmilla Oulitskaïa dresse ici le portrait d'une femme russe, des années 30 aux années 70-80. Elle évoque discrètement, le régime de l'époque, avec ses abhérrations, ses mensonges .Tout comme Makine, elle nous livre une image résignée de ses gens et évoque à travers le personnage de Robert, la vie des artistes.



Ludmilla Oulitskaïa est née en 1943 et vit à Moscou. Après des études scientifiques et un titre de généticien, elle travaille à la radio, devient conseillère littéraire du théâtre juif et se lance dans l'écriture. C'est à la chûte du communisme qu'elle est reconnue comme auteure. Célèbre en Allemagne, elle est traduite en France par Sophie Benech. Ses livres décrivent l'intimité de l'individu dans un contexte historique ce qui fait de cette auteure, un portraitiste de la Russie du XXème siècle.

Elle obtient en France, le PRIX MEDICIS ETRANGER 1996 pour ce livre, ex aequo avec Michael Kruger, pour "Himmelfarb".


Sa bibliographie



 

Publié dans Littérature russe

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
Tu ne donnes pas tes impressions (ou cela m'a échappé). Tu as aimé ?<br /> Je l'ai dans ma PAL depuis un bon moment celui-là !
Répondre
D
<br /> <br /> Oui, j'ai aimé ce roman. Pour l'écriture d'abord, fluide et concise...et pour ce touchant portrait de femme résignée,  plutôt banale et qui s'évertue à trouver le bonheur dans<br /> chaque instant de sa vie...c'est une ambiance typiquement russe de cette période où l'individu a été muselé et ne se rebelle plus. Si tu ajoutes à cela, sa condition de femme...<br /> Tu devrais le lire, je pense.<br /> <br /> <br /> <br />
A
Je l'ai lu il y a longtemps, je sais que j'avais aimé, mais je ne m'en souviens plus guère.
Répondre
D
<br /> <br /> C'est le problème lorsque nous lisons beaucoup et que le temps passe. Les détails s'estompent. Reste l'impression générale.<br /> <br /> <br /> <br />
S
Ce titre me plaît beaucoup. Je sens que je vais très vite le lire. Merci
Répondre
D
<br /> Il se lit très vite.<br /> <br /> <br />