"Sans blessures apparentes" de Jean Paul Mari
Sélection du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2009
"...si je n'ai plus d'émotion...alors je ne suis plus un être humain."
Editions Robert Laffont, 2008, 306 pages
Quatrième de couverture
Je suis grand reporter. Trente ans que je couvre les guerres du monde. Au début, je ne savais pas ce qui m'attendait. Massacres, charniers, tortures et viols... J'ai plongé dans la nuit. Très vite, j'ai remarqué ces hommes que la guerre a rendus fous: héros terrorisé par ses cauchemars, ancien commando soudain muet ou vétéran qui se tire une balle dans la bouche. Ce mal, étrange, est aussi répandu que tabou. Rwanda, Bosnie, Irak, Algérie, Vietnam, Liban... De partout, des hommes reviennent brisés. Depuis ce jour où ils ont rencontré la mort, dans la gueule d'un fusil, le regard d'un ennemi ou les yeux d'un ami. A Bagdad, mon hôtel a reçu un obus. J'ai vu un confrère couché sur la moquette. A la place du ventre, il y avait une tache blanche et nacrée. Alors j'ai commencé une enquête qui m'a mené dans plusieurs pays. J'ai interrogé les combattants et les psychiatres, fouillé les livres, la peinture et les films, l'ethnologie et la mythologie. Une chose est sûre: si on n'affronte pas la douleur de la guerre, elle nous tue. Il faut plonger en nous-mêmes et se reconstruire pour trouver la guérison. Oui, on peut en mourir, survivre et revivre. Et ce mal ne nous parle que de vie et d'humanité. Ceci est ma plus grande enquête.
Ce n'était pas gagné quand j'ai lu le thème: encore un document sur la guerre! Un journaliste qui se penche sur lui même, qui nous raconte que c'est dur...certes! Mais c'est son choix, après tout!...quand tant d'autres ne la choisissent pas!
Tout commence par une bavure. Il fait nuit à Bagdad, un char américain éventre l'Hôtel Palestine et tue deux cameramen qui immortalisent de leur balcon, la victoire du héros...tout le monde sait que cet hôtel abrite les équipes de journalistes mais on a dit aux marines de "tirer d'abord , vérifier ensuite"...alors pas étonnant qu'il y ait des dérapages!
"Les marines n'arrivent pas à faire la différence entre un car scolaire et une voiture de rebelles fedeyins. Ils vident leurs chargeurs sur tout ce qui bouge, hommes, femmes, enfants, vieillards, en charette ou à vélo, tout ce qui ne ralentit pas au barrage ou marche dans leur direction. Ils s'emportant quand les arabes ne comprennent pas leurs sommations formulées pourtant dans un jargon américain réglementaire....Ils hurlent pour parler, ..., situent l'Irak près de la planète Mars, confondent les habitants avec des personnages de jeu vidéo et un paysan dans sa grange avec ben Laden dans sa grotte. Si un marine ouvre le feu, c'est toute l'unité qui rafale jusqu'à épuisement des munitions."
Le capitaine en charge comprend trop tard qu'il s'est trompé...la belle affaire!...leurs regards se croisent, celui du capitaine et du Grand Reporter... l'un se sent coupable, l'autre le juge...de ce constat, Jean Paul Mari décide de le retrouver plus tard et de savoir comment il a digéré tout ça...
"...Il a peut être rejoint l'armée perdue de ces vétérans tourmentés, insomniaques, à bout de nerfs."
Au cours de sa quête, il passe en revue d'autres guerres plus lointaines, retrouvent d'anciens militaires et le document devient fort intéressant, appuyé par les commentaires d'un psychiatre qui suit ces hommes rentrés des combats mais aussi le retour d'un Jean Paul Mari qui n'arrive plus à chasser de sa mémoire, cette tache blanche et nacrée et qui essaie de comprendre pourquoi certains s'en sortent, y retournent et d'autres abandonnent, vont vers la folie ou le suicide. Des descriptions terribles m'ont glacée ( particulièrement celle de cette mère qui se jette dans la fosse pour rejoindre son enfant mort) et enchaînée à ce livre que je n'aurais jamais acheté mais comme le dit l'auteur:
"L'inhumanité qui n'est pas criée à voix haute est une victoire définitive du mal....Fermer les yeux sur ces Choses-là, c'est aussi une victoire du mal."
C'est vrai et pourtant...on a beau voir des reportages, lire des documents, on se dit plus jamais ça! .....
"Plus jamais ça?Le mensonge est énorme!
La guerre fait partie du quotidien de l'humanité, le tic-tac de l'histoire qui marque le passage entre le jour et la nuit."
Finalement, j'ai aimé ce livre même si je me serais bien passée des passages sur Ulysse! Une bonne note donc même si ce n'est pas la meilleure dans les documents.
NB: Jean Paul MARI devrait être au Salon du Livre samedi 14 mars, avec l'équipe ELLE... j'y serai...qui y va?
Sur ce thème, il va falloir que je vous parle de Jarhead...
***Ajout***le 18/06/09***Jean Paul Mari sur Nonobstant / France Inter, le 10 Juin 09***