"Le pont des soupirs" de Richard Russo
Sélection du Grand Prix des lectrices de ELLE 2009
Editions Quai Voltaire, 2008, 726 pages
Quatrième de couverture
Louis C. Lynch, dit Lucy, a toujours vécu à Thomaston, une petite bourgade proche de New York. D'un père optimiste et d'une mère tyrannique, il a hérité un " empire " de petits commerces, qu'il s'apprête à léguer à son fils unique. Tandis que sa femme Sarah prépare leur premier vrai voyage, un séjour à Venise où ils espèrent retrouver leur plus vieil ami, Bobby Marconi, devenu un peintre de renom, Lucy met la dernière touche à l'histoire de sa vie. Une existence marquée par un drame d'enfance qui le hante encore. Poids des origines, violence des désirs inassouvis, frustrations du couple, turpitudes de la vie provinciale, tels sont les thèmes qu'explore Richard Russo dans cet ample roman, où se rejoignent l'intime et l'universel.
Ainsi commence cette histoire...
"Je m'appelle Louis Charles Lynch. J'ai soixante ans et j'en aurai bientôt vécu quanrante avec la même femmes adorable. Je ne suis peut être pas quelqu'un de passionnant, mais je suis au moins un mari dévoué. Je suis très attaché à notre fils, Owen, qui est maintenant grand et marié. Owen n'a pas d'enfants et son épouse et lui n'en auront, hélas, sans doute jamais. Avant lui, nous avions espéré une fille, mais le bonheur nous a été refusé. Sarah avait fait une fausse couche au quatrième mois de sa grossesse après un accident de voiture. Il y a longtemps de cela, mais elle pense toujours à cet enfant, et moi aussi."
"Je suis grand et costaud comme mon père, et je m'en suis toujours félicité. Je l'aimais plus que je ne saurais le dire, au point que, bien des années après sa mort, j'ai toujours du mal à entendre un mot de travers à son sujet. Il y a quelquechose de doux-amer dans ce qui nous rassemble. Si je crois être intellignet, j'admets que je n'en donne pas forcément l'impression. Nous receuillons, au cours d'une vie, assez de commentaires sur notre personne pour évaluer le gouffre qui sépare l'image qu'on veut donner de soi de la perception qu'en ont les autres. J'ai toujours su qu'il se passe plus de choses en moi que je n'en montre, mais cela est probablement vrai de tout le monde. Qui n'aimerait pas être mieux compris?"
C'est vrai ça!
Il y a ce qui est perçu et ce qu'il y a au fond de chacun, les amours secrets, les amitiés difficiles, les origines qui pèsent et influencent notre vie. Lou Charles, dit Lucy (Lou-C) est un "gentil", comme l'était son père. Devenu maire de sa petite ville de province, il aime ressasser le passé et a décidé d'écrire sur sa vie.Issu d'un milieu modeste, ayant traversé tous les quartiers possibles, il est aujourd'hui à la tête de plusieurs petis commerces de proximité: un véritable empire.
Enfant, il a eu une admiration sans borne pour son petit voisin Bobby Marconi , un garçon qui a du caractère, qui sait se battre, fils d'un homme violent. Ces deux là passeront leur vie à se suivre et à se dire adieu. Bobby , exilé en Italie, est devenu une célébrité en devenant peintre. Lucy et sa femme décident de lui rendre visite.
Autour de ces hommes gravitent des femmes: Tessa, la mère de Lucy, celle qui décide, qui épaule, qui a de grands projets pour son fils unique et qui sait aussi rester dans l'ombre de son mari; il y a Mme Marconi, appelée PC par son mari, pour Patricia mais aussi Pauvre Conne, la femme maltraitée qui fait enfant sur enfant et qui passe son temps à se sauver de chez elle chaque fois qu'elle est enceinte, un mystère cette femme; il y a aussi Sarah Berg, l'épouse de Lucy, la jeune fille subjuguée par la famille Lynch ,une famille aimante, soudée, qui lui fait défaut et qui se met à dessiner pour exprimer ce qu'elle ne peut avouer, comme sa propre mère...
...il y a aussi Gabriel Mock, le père et Troisième le fils, tous deux , noirs, se verront punis de s'être trop approchés d'une blanche...l'évocation de la Colline, quartier réservé aux noirs et qui ne semble pas appartenir à ce monde...nous sommes encore dans les années 50-60 qui privilégient la ségrégation...
...enfin, je ne vais pas tout révéler...ce volumineux roman foisonne de sentiments et de personnages divers , vivant dans une petite ville au nord des Etats Unis, cloisonnée et polluée par son usine ,où rien ne semble bouger pendant un temps et pourtant, progressivement, sur une bonne cinquantaine d'années, nous assistons à ses changements.
Passant de l'enfance à l'âge adulte, retournant à la jeunesse, allant d'une famille à l'autre, d'une classe à l'autre, Richard Russo nous emporte et nous laisse méditer...
Sans être le grand coup de coeur, j'ai bien aimé ce livre et il me donne envie de revenir en arrière, de reprendre " Quatre saisons à Mohawk" que j'avais abandonné en cours de route, il me donne aussi envie de découvrir " Le declin de l'Empire Whiting"...
Cuné en a parlé ici link