Amélie Nothomb et le Japon (2)...

Publié le par Du soleil sur la page



Métaphysique des tubes, écrit en 2000.

Jusqu'à l'âge de deux ans et demi, Amélie Nothomb est un tube, une enfant qui ne marche pas, ne pleure pas, ne s'exprime pas, ne fait RIEN...c'est une plante que l'on dépose et que l'on nourrit. Le plus souvent, elle est dans son lit à barreaux et observe le plafond. Pas de plaisir, pas de désir, pas de peine. Elle est dans un état de béatitude...elle est Dieu.
Et puis, sans aucune raison apparente, elle devient hurlements, colères. Ses parents regrettent presque la plante. Pendant quelques mois, elle réagit à tout avec violence. Lorsque sa grand mère arrive enfin de Belgique, elle est prévenue que la plante est invivable...qu'à cela ne tienne! Elle entre seule dans la chambre et lui tend un baton blanc...l'enfant suspecte l'objet, le renifle et le fait entrer dans son tube. Elle découvre le Plaisir: c'est du chocolat blanc , un lien avec ce pays qu'elle ne connait pas puisqu'elle est née et vit au Japon.
De ce jour, l'enfant se métamorphose. C'est une enfant surdouée qui refuse d'abord de parler alors qu'elle sait -autant en japonais qu'en français...de même elle apprend à lire dans Tintin , toute seule...les parents semblent connaître leur enfant, ils passent à côté de tout....

Amélie Nothomb pose un regard émerveillé sur le Japon et ses modes de pensée, sur son enfance un peu particulière et privilégiée...il y a énormément d'humour et c'est du pur bonheur!

Une phrase que j'ai relevé dans un commentaire...

" Métaphysique des tubes " ne contient pas de psychologie " bon marché "mais " une mystique " du nourrisson tout à fait originale. Dieu est-il tube ? Dieu est-il révolte ?


Et si Dieu avait aimé le chocolat blanc avant d'être fumeur de gitanes?
"

....tout un programme !

***

Un passage....

La petite fille va fêter ses trois ans et elle rêve d'un éléphant en peluche...ses parents lui offre trois carpes, des vraies , pour mettre dans le bassin
-C'est toi qui t'occuperas d'elles. On t'a préparé un stock de galettes de riz soufflé: tu les découpes en petits morceaux et tu les leur jettes, comme ça. Tu es contente?
-Très.


Bien sûr, elle est déçue...

Elle va leur donner un nom à ses carpes: Jésus, Marie et Joseph!

Chaque jour, à midi, au moment où le soleil était au plus haut dans le ciel, je pris l'habitude de venir nourrir la trinité. Prêtresse piscicole, je bénissais la galette de riz, la rompais et la lançais à la flotte en disant:
-Ceci est mon corps livré pour vous.
Les sales gueules de Jésus, Marie et Joseph rappliquaient à l'instant. En un grand fracas d'eau fouettée à coups de nageoires, ils se jetaient sur leur pitance, ils se battaient pour avaler le plus possible de ces crottes de bouffe.
Etait ce si bon que ça, pour justifier de telles disputes? Je mordis dans cette espèce de frigolite: ça n'avait aucun goût.Autant manger de la pâte à papier.....


Ces carpes la révulsent...elle fera tout pour arrêter de les nourrir....

Dix ans plus tard, en apprenant le latin, je tombai sur cette phrase: "Carpe Diem".
Avant que mon cerveau ait pu l'analyser, un vieil instinct en moi avait déjà traduit: "une carpe par jour."....
"ceuille le jour" était évidemment la bonne traduction.Ceuille le jour? Tu parles. Comment veux-tu jouir des fruits du quotidien quand , avant midi, tu ne penses qu'au supplice qui t'attend et quand, après, tu ressasses ce que tu as vu...



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